Rav Imanouel Mergui
La fête de Pessah’ est bien connue pour son ‘’seder’’. Littéralement seder veut dire ordre, l’ordre contient plusieurs idées qui sont importantes pour la fête de Pessah’.
Il me semble primordial de rappeler dans un premier temps que s’il est indiqué un ordre c’est parce qu’il y a risque d’agir de façon désordonnée. Effectivement la fête de Pessah’ contient d’innombrables lois et commandements ; rappelons en quelques échantillons : cahérisation d’ustensiles, cacheroute de l’alimentation, nettoyage du h’amets, la matsa (sa fabrication minutieuse, et la mitsva de la consommer), la nuit du seder, le sacrifice de Pessah’ (qui n’est pas pratiqué en l’absence du Temple), le maror, les quatre coupes de vin, la hagada – sans oublier les montagnes de coutume liées particulièrement à cette fête. Si la nuit de Pessah’ s’appelle le seder, c’est qu’à travers elle, particulièrement, nous apprenons ce que veut dire l’ordre. Zoomons donc un instant sur ce que nous réalisons durant cette nuit, pour mieux comprendre le sens de l’ordre.
Avant toute chose nous organisons un plateau garnit de différents éléments, passé ensuite sur la tête des participants en chantant bibhilou ou etmol, selon les différentes coutumes. La disposition des éléments sur le plateau connaît deux formules : celle du Ari zal et celle du Gaon de Vilna. Ce plateau nous apprend, entre autre, que chaque élément a SA place. C’est la première loi de l’ordre : placer chaque élément, objet ou personne, de la vie à l’endroit qui lui est la plus adéquat. N’est-ce pas l’œuvre de Béréchit ?! Si habituellement on lit dans l’œuvre de la genèse une création divisée en six jours, où chaque jour D’IEU créa un nouvel élément ; Rachi (Béréchit 1-14) propose une autre lecture, il écrit : « toute l’œuvre du ciel et de la terre a été effectuée le premier jour, mais chaque élément fut fixé au jour décrété ». En somme ce ne sont pas six jours de création mais six jours de mise en place.
Ce seder commence à kadech – la récitation du kidouch et se complète à nirtsa – la récitation de chants propres à la reconnaissance exprimée envers Hakadoch Barouh’ Hou. Les chants les plus connus sont éh’ad mi yodéa et h’ad gadia. Ce sont deux nouvelles notions concernant le concept du seder. Tout d’abord un seder a un début et une fin ! C’est commencer avec le kidouch et c’est terminer avec nirtsa, on ne termine pas le seder de Pessah’ avec le birkat hamazon récité à la fin du repas. Le hallel et les chants prononcés en cette soirée sont d’une très grande importance aussi bien pour les hommes que pour les femmes. La deuxième notion est la parole, l’ordre c’est apprendre à dresser des propos. Ce seder commence par le kidouch et se termine par nirtsa, il ouvre donc par une parole et se clôture par une parole. En réalité il est également composé par une parole en son milieu puisque nous racontons la hagada. Les commentateurs ont fait remarquer que la fête de Pessah’ est sous le symbole de la parole puisque le terme Pessah’est composé de Pé – Sah’, littéralement la bouche qui parle (Rav Tsadok Hakohen Milouvlin a consacré de nombreux textes sur l’idée de la parole mise en exergue durant la fête de Pessah’).
Qui veut un seder veut obligatoirement une pratique minutieuse des lois de Pessah’, et particulièrement les mitsvot réalisées durant le seder même : les quatre coupes de vin, le récit de la hagada, la matsa, le maror, la récitation du halel, l’accoudement. Ces mitsvot incombent aux hommes et aux femmes ! Comme di le Talmud « les femmes ont-elles aussi vécu le miracle de la sortie d’Egypte, af hène ayou béoto haness » ; l’histoire n’appartient pas qu’aux hommes …
Un point majeur que beaucoup ignorent c’est ce qu’on appelle dans le jargon de la halah’a : le chiour – la quantité requise pour chaque élément du soir du seder. Certains se suffisent de goûter la matsa, le maror, le vin. Malheureusement il ne suffit pas de goûter ces mitsvot mais il faut les manger, ce qui implique halah’iquement une quantité de trente grammes pour les aliments (matsa et herbes amères) et ‘’environ’’ 8,6 cl pour le vin. En l’absence de ces dites quantités la mitsva est caduque. La halah’a stipule
que même une personne n’aimant pas ces aliments doit s’efforcer d’en consommer pour le soir du seder (voir Choulh’an Arou’ Orah’ H’aïm siman 472-10 et Chout H’azon Ovadia volume I siman 4). Il faudra à priori manger au moins 30 grammes de matsa pour le motsi, trente grammes pour le koreh’ et trente grammes pour l’afikoman (certains mangent encore trente grammes pour matsa et trente grammes pour le korban h’aguiga), les personnes malades se suffiront d’une fois trente grammes sauf dans les cas extrêmes de maladies digestives graves elles en seront dispensées. Pour les quatre coupes il conviendra de boire du vin excepté si celui-ci nous met dans un état d’ivresse ou également de maladies, dans ces cas on pourra alors boire du jus de raisin.
Le Choulh’an Arouh’ rapporte une halah’a intéressante concernant le seder de Pessah’, il écrit :
« On dressera joliment la table avec de beaux couverts, en fonction de ses moyens. On préparera également sa place afin qu’on puisse s’y assoir en s’accoudant en signe de liberté » (Orah H’aïm siman 472-2). La soirée du seder contient d’innombrables ‘’petits’’ détails qu’on peut mettre en œuvre seulement si on s’y prépare au préalable. Ce n’est pas une heure avant la fête qu’on se demande si on a suffisamment de vin ou de matsa ou de livre de hagada pour tous ceux qui sont là ce soir. La notion de l’ordre implique celle de la préparation, préparation physique et halah’ique également. Enfin pour ‘’terminer’’ je rappelle que l’ordre nous indique également que l’invention est sa rivale, je m’explique : on n’invente pas la Tora ; tournez vous vers les Rabanim pour pratiquer CORRECTEMENT toutes les lois liées à Pessah’, les Rabanim
sont là pour ÇA ! Interrogez-les pour vous assurer que ce seder porte bien son nom.
Fasse Hakadoch Barouh’ Hou que nous puissions passer un pessah’ chacher vésamah’ afin de goûter en ce seder un avant goût de la guéoula future.