Rav Imanouël Mergui
Article élaboré à travers les ouvrages
Hagada Métivta, Hagada H’evron, Hagada Khélèm, Hagada Tiféret Chimchon,
Hagada Avi Ezri, Hagada Oumekarvan Latora, Hagada Rabénou Tsadok
Le soir du Seder de Pesssah’ nous passons beaucoup de temps à lire, réciter, raconter,
chanter et commenter la Hagada de Pessah’. Par cela nous pratiquons une mitsva de la Tora.
Cette Hagada ne doit pas être bâclée, elle contient des idées fondamentales de notre
histoire passée, présente et future. Passée : on ouvre par rappeler que notre Père Avraham
est descendant de Térah’ – crème de l’idolâtrie. Et de rappeler qu’au début nous étions
esclaves en Egypte. Présente : ‘’en chaque génération l’homme a le devoir de se montrer
comme s’il était sorti d’Egypte’’. Vivre la sortie d’Egypte au présent est le challenge de
chaque juif en chaque génération, le juif ne pleure pas le passé, les ‘’victimes de la
mémoire’’ se perdent dans le passé. Future : même lorsque le Machiah’ sera là on
mentionnera la sortie d’Egypte, parce que, explique le Maharal, l’histoire débute à la sortie
d’Egypte et se poursuit jusqu’à la venue du Machiah’. Passé, présent futur ne sont pas trois
éléments distincts, ils forment une entité…
Dans cette magnifique Hagada nous allons lire et chanter un passage extraordinaire
‘’Dayénou’’. En ce chant nous allons exprimer quinze étapes de remerciements à D’IEU,
l’homme a le devoir de détailler les bienfaits divins et l’en remercier sur chacun de ces dits
détails. Ensuite nous clôturons ce chant par un passage qui débute ‘’al ah’at cama etc.’’, dans
lequel nous rappelons encore une fois ces quinze grands bienfaits divins et l’on remercie
D’IEU sur la totalité de ses bienfaits à notre égard. Ces bienfaits divins ne sont pas seulement
de l’ordre du passé, comme je l’ai dit, mais au quotidien nous les vivons et en bénéficions !
Ce chant fabuleux a été composé déjà au temps du Temple, selon le Rachbats alors que
selon le Chibolé Haleket c’est après la destruction du Temple qu’il fut composé. La place
qu’occupe ce chant dans la Hagada n’est pas sans raison, effectivement selon le Maharal il
faut dire : après que nous avons cité les multiples plaies par lesquelles D’IEU frappa l’Egypte
nous comptons les bienfaits qu’IL a œuvré à notre égard. Le juif se trouve et se retrouve non
pas là où ses ennemis échouent mais là où D’IEU lui fait et lui laisse une place ! Selon le
Midrach Hagada le chant ‘’dayénou’’ ouvre le Halel qui sera lu par la suite, on ne peut louer
correctement D’IEU si on ne prend pas conscience en amont des bienfaits desquels IL nous
gratifie
Dans ce chant nous comptons quinze bienfaits divins, le H’ida zal de noter que nos Pères
Avraham, Yitsh’ak et Yaâkov ont étudié ensemble la Tora quinze années durant, chaque
année nous vaut un bienfait divin ! La carte gagnante à tous les coups c’est l’étude de la
Tora. Chaque mot de l’étude de la Tora est une mitsva, comme rappelle le Gaon de Vilna,
mais en plus de la mitsva il y a dans la Tora cette faculté de délivrer à l’homme, l’individu, et
à l’univers tout entier quelque chose de meilleur dans sa vie, comme nous le citons dans le
deuxième passage du Chémâ et comme l’explique longuement Rabi H’ayim de Volosyn ztsal
dans son ouvrage légendaire Nefech Hah’aïm.
Les commentateurs disent que le mot ‘’dayénou’’ se traduit : chaque bienfait en lui nous est
suffisant pour remercier D’IEU. Ou encore : chaque bienfait mérite et nécessite une louange
à part. De chaque bienfait nous pouvons apprendre encore une fois la notion de providence
divine (Netsiv). Chaque bonté divine en soi est à même de nous renforcer dans la foi divine,
on peut évoluer grandement en contemplant chacune des bontés divines (Saba de Khelm)
Pour certains il faut le lire plutôt avec étonnement : chaque bienfait nous aurait-il suffit ?!
(Rabi Eliezer Achkenazi).
Il y a tout de même quelque chose de frappant dans ce passage qui clôture en ces mots «
oubana lanou et bet habéh’ira leh’apère al kol avonoténou » – et IL nous a construit le
Temple pour expier nos fautes ! Pourquoi terminer ce chant par le rappel de la fonction
expiatrice du Temple ? D’autant plus que nous avons l’impression justifiée que le summum
que nous pouvons atteindre est cette faculté expiatrice du Temple, comme si l’enjeu de la
sortie d’Egypte et son apogée était l’expiation de nos fautes ! Pourquoi en cette soirée de
Pessah’ nous devons rappeler l’expiation de nos fautes ? Et encore, pourquoi limiter la
fonction du Temple à l’expiation de nos fautes ?
Pour répondre à ces questions et comprendre quelque chose de majeur et de fabuleux dans
ce seder de Pessah’ je vous propose de voyager dans les Hagadot de nos Maîtres. Là nous
touchons à la plus belle des espérances et délivrances de l’homme – Dayénou est bien le
chant de l’espoir, laissons-nous transporter par la beauté des commentaires :
Rav Pinkous zal écrit : « le sommet est bel et bien le Temple qui a pour objectif de pardonner
nos fautes. D’IEU est donneur par excellence, sa bonté est infinie et ne dépend que de Sa
volonté. Cependant nos fautes font écran à cette abondance divine comme en témoigne le
verset dans Isaïe 59-2. Par conséquent le plus grand des bonheurs, la plus grande des bontés
divines c’est de nous offrir la possibilité de pardonner nos fautes. C’est cela toute la beauté
du Bet Hamikdach ». Nous venons d’énumérer quinze hauts bienfaits de D’IEU et nous
sommes conscients que nous ne sommes pas à la hauteur de les recevoir, mais nous
sommes également conscients que la clé de tous les bonheurs c’est de nettoyer la saleté qui
nous anime et nous empêche de recevoir ces bienfaits. Merci Hakadoch Barouh’ Hou que Tu
nous nettoies et nous donnes la possibilité de décrasser nos taches afin de mieux recevoir
tes cadeaux ! Sans doute nous aurions bénéficié davantage de bienfaits divins si nous nous
dégageons de nos erreurs !…
Le Saba de Slabodka ztsal écrit : « viens voir combien est de grande valeur l’expiation de nos
fautes, de ce passage de la hagada nous voyons que le plus haut niveau que l’homme peut
atteindre est l’effacement de ses fautes. Tout ce dont nous avons bénéficié de la sortie
d’Egypte et du don de la Tora etc. n’est autre que le bénéfice de ce phénomène. Nous
apprécions mieux la surpuissance du jour de Kipour où nous pleurons nos erreurs et
espérons leur expiation. La délivrance de l’humanité toute entière découle de ce jour de
Kipour et de sa fonction expiatrice. Nous pouvons également apprécier l’idée qui encourage
l’homme à s’abstenir de fauter, ne serait-ce qu’un jour, qu’une fois, combien de bonheur
entraîne-t-il au monde entier. Chaque faute est un drame planétaire et chaque abstention
de faute est d’un secours sans égale ! ». Pessah’ nous renvoie à Kipour, nous préparons
Kipour et son programme gigantesque en cette soirée de Pessah’. Là est l’espoir et la
véritable délivrance de l’homme, de l’humanité.
Rabi Aharon Toïsig chalita rappelle que certains ont la coutume de porter durant le seder de
Pessah’ l’habit de Kipour (le kittel), comme explique le Maharal ceci rappelle l’habit blanc
porté par le Cohen Gadol le jour de Kipour, et de conclure ‘’la nuit du seder et le jour de
Kipour sont du même niveau, la chose est d’un grand secret’’ (!!!). Le travail du mois de
Nissan et de Tichré est semblable, disait le Rav de Mézibouz zal. Le Imré H’aïm zal disait
qu’en mangeant la matsa le soir de Pessah’ et en racontant la Hagada en cette soirée on
obtient expiation de nos fautes comme la journée de Kipour ! L’effet de Pessah’ est tel celui
de Kipour, sortant de Kipour on se sent nettoyé de nos fautes, nous devons sortir
pareillement de la nuit de Pessah’, disait le Netivot Chalom. D’après Rabi Eliyahou
Gutmacher zal « les prières que l’homme adresse à D’IEU la nuit de Pessah’ sont supérieures
à celles de Kipour !, étant donné que la majorité des miracles que le peuple d’Israël a vécu se
sont déroulés en cette nuit alors cette nuit de Pessah’ est prompte à la réalisation de
miracles et à l’acceptation de nos prières ; c’est la raison pour laquelle Mordéh’aï et Esther
avaient autrefois fixé le jeûne dePourim en cette nuit de Pessah’. » On témoigne que le
H’atam Sofer et le Rabi de Kotsk atteignaient de hauts niveaux supérieurs à ceux de Kipour.
C’est bien là la raison pour laquelle on clôture le passage Dayénou en rappelant que le
Temple nous a été offert pour expier nos fautes, afin de conjuguer Pessah’ et Kipour ;
comme disait le Imré H’aïm en cette nuit de Pessah’ on peut obtenir expiation de nos fautes
comme en la journée de Kipour ». On a l’impression que tout se joue en ce seder de Pessah’,
qui doit donc ne pas être bâclé ; et en dehors d’Israël nous avons la chance de renouveler
deux fois en deux soirées extraordinaires de seder de Pessah’.
Rav Nah’oum de Khelm ztsal écrit : « un riche homme s’est pris d’amitié pour un homme
d’une extrême pauvreté, sale et de mauvaise odeur, tous sont surpris et le pauvre aussi ne
sait comment remercier le riche. Ainsi la pauvreté de notre être est immense. Nous avons
tout sali, tout brisé, nous sentons mauvais, tous s’éloignent de nous, sauf… D’IEU !!! IL nous
autorise à nous adresser à LUI lors de nos prières. Combien est grand notre devoir de LUI
être reconnaissant. Y-a-t-il autre moyen de nous renforcer dans notre amour envers D’IEU ?!
». Le devoir de remercier D’IEU et de le louer pour ses bienfaits envers nous c’est de prendre
conscience que nous ne sommes pas méritant et pourtant D’IEU ne nous laisse pas tomber.
C’est donc Le remercier du bienfait en lui-même et de nous l’accorder vu notre état. Y-a-t-il
plus grand espoir que cela ? L’homme pourri ne doit pas tomber dans l’abandon et le
désespoir, la mélancolie et la tristesse. Tout pourri et incorrecte que tu es rappelle toi qui est
ton sauveur, ton secours.
Rav Chah’ ztsal va encore plus loin dans l’espoir inscrit dans le Temple et son pouvoir
d’expier nos fautes, il dit : « si D’IEU laisse la possibilité à l’homme de fauter il va de soi qu’IL
lui donne également les moyens d’essuyer ses erreurs, si l’homme peut descendre très bas il
faut également qu’il puisse monter très haut. Alors que l’homme, par sa faute, peut tout
détruire même l’image de D’IEU qui l’anime il a pour exemple le Cohen Gadol qui corrige
tout jusqu’à acquérir le niveau des anges. De la même façon que l’homme peut tomber dans
l’abîme ainsi il peut atteindre le trône céleste. L’un prouve l’autre : si tu es conscient que tu
peux tomber très bas cela même prouve que tu peux monter très haut !!! Si l’homme a le
pouvoir de tuer il détient également le pouvoir de redonner la vie ! De la bassesse
approuvée et extrême de Yérovam, D’IEU l’attrape par sa chemise et lui dit ‘’reviens vers
moi’’. C’est cela la raison pour laquelle en ce passage de la hagada nous proclamons que la
plus belle chose qui nous est offerte est le Temple qui a pour fonction d’expier nos fautes ».
La puissance de la faute prouve la puissance de sa réparation. La pire des erreurs n’est pas
sans espoir…
Chacun pourrait s’étonner : oui, mais de nos jours nous n’avons plus le Temple, dès lors
comment obtenir expiation de nos fautes, comment obtenir le bénéfice du Temple ?
Rabénou Tsadok Hacohen de Loublin ztsal nous éclaire grandement : « que chacun s’efforce
de construire le Temple en lui-même, dans son cœur et dans son esprit ». L’homme détient
le pouvoir d’atteindre en lui-même le plus haut des niveaux le plus grand des espoirs…
Bonne soirée de seder pour gagner le plus haut des sommets !