Rav Imanouel Mergui
Le parfum du mois de Eloul se fait sentir, nous sommes plus qu’à quelques semaines des grands jours de roch achana et yom kipour. Ces jours qui vont marquer le programme de l’année à venir. Pour mettre toutes les chances de notre côté nous prions, et davantage avec l’arrivée des ‘’sélih’ot’’ ! La coutume diffère entre le rite séfarade et achkénaze ; effectivement pour le premier c’est depuis le début du mois de eloul que les sélih’ot sont récitées tous les matins avant la prière du matin, alors que pour le second c’est une semaine avant roch achana que les sélih’ot sont récitées. Le rite achkénaze veut cependant que le chofar soit sonné durant tout le mois de eloul. Pour les séfaradim la voix du mois de eloul c’est la mélodie des chants des sélih’ot ! Pour les achkénazim la voix c’est la mélodie du son du chofar. C’est un peu comme dans un gps où on peut choisir la voix qui nous guide. Tout le monde comprend bien qu’on ne peut rouler sans être dirigé. Où tu vas ? Cette grande question de la vie. Je vais là où je suis guidé ! Oui, mais, qui et comment tu es guidé…Chacun selon son rite doit vivre le mois de eloul différemment que les autres mois de l’année. Nous saisissons l’enjeu des grands jours qui arrivent et on ne peut y accéder sans une préparation adéquate. Les Sages dans leur grande sagesse nous invitent à goûter au mois de eloul afin que sa saveur soit marquée par la réalisation des souhaits de chacun. Celui qui ne sent pas le mois de eloul et son message il passe à côté d’un des plus grands cadeaux que nous octroie D’IEU : bénéficier de sa grande miséricorde.
Justement qu’est-ce que la miséricorde divine ? C’est bien là un grand sujet qui nécessite une étude élargie ; toutefois qui n’attend pas cette dite miséricorde ? Qui ne l’espère pas ? Les aléas de la vie de nous laissent pas insensible pour croire qu’on peut s’en sortir sans l’aide de …. D’IEU. Quel que soit le
degré de notre pratique de la Tora et ses commandements, quel que soit le niveau de croyance en Un D’IEU unique, et je dirais même le plus grand des athées a l’espoir en une ‘’vie meilleure’’ ou en tout cas à un ‘’sort meilleur’’. Sans se tourner vers D’IEU par la prière et la pratique, par la tsédaka et la téchouva, il résonne dans le for intérieur de tout être humain un écho qui lui dit ‘’ laisse tomber ta fierté – tourne toi vers quelque chose pour que ça aille mieux ‘’. Malheureusement il existe deux phénomènes 1) ceux qui se tournent vers de la poudre blanche pour vivre l’espoir… 2) ceux qui attendent d’aller mal au point où les médecins ne leur laissent plus que quelques mois de vie, alors vite ils se tournent vers SOS RAV pour être béni. Et il y a les têtus farouches qui même face au mur ils continuent d’y foncer. Chacun choisira sa voie, et quelle que soit la voie choisie ce que je veux ici mettre en relief c’est cette petite voix que seul l’individu l’entend qui le pousse vers un horizon miséricordieux ! C’est la voix de la voie, l’écho qui nous invite à tourner à droite ou à gauche mais de ne pas s’entêter vers un horizon catastrophique…
En simple : qui ne rêve pas d’une vie meilleure ?! Qui n’implore pas la miséricorde, sans vraiment savoir ce qu’est cette miséricorde ?! Qui n’entend pas quelque part ‘’faut que quelque change dans ma vie’’ ?!
Pour nous aider dans cet exercice j’ai choisi de partager avec vous un enseignement fabuleux du Talmud tiré du traité Bérah’ot 55A : « Rav Yéhouda au nom de Rav dit, il y a trois choses pour lesquelles l’homme doit implorer la miséricorde divine pour qu’elles se manifestent 1) un bon gouverneur, 2) une bonne année, 3) un bon rêve ». La guémara va appuyer cet enseignement sur des verstes.
Le Maharcha explique qu’il convient de prier sur ces trois choses en début d’année, le jour de roch achana. Puisqu’en ce jour de roch achana nous prions sur le règne de D’IEU cela a automatiquement un impact sur le choix de la personne qui nous gouvernera dans ce bas monde, puisque le règne des hommes est à l’image du règne divin. De même il faut implorer la miséricorde divine sur les rêves, puisque le rêve rêvé en ce jour de roch achana est vrai.
Le Kédoucha Oubrah’a propose une autre explication : de toute évidence il faut implorer la miséricorde divine sur tous les éléments de la vie, toutefois ces trois éléments sont différents des autres car si tout est fixé à roch achana ces trois choses ne sont pas déterminés en ce jour, tout au long de l’année D’IEU peut les faire pencher dans un sens ou dans un autre ! Le Tslah’ suit cette idée et rajoute que même si elles seraient fixées à roch achana il faut prier pour qu’elles ne nous échappent pas au courant de l’année ! C’est donc toute l’année qu’il faut prier sur ces trois éléments, affirme le Tossfot Haroch.
plusieurs points de réflexion montent en mon esprit au vu de ce qui est écrit là, que je formulerais ainsi :
Le roi, l’année et le rêve sont trois points fondamentaux dans la vie de l’homme. Nul être ne vie sans gouverneur, qu’il soit représenté par l’homme d’état, où le patron là où on travaille, ou dans son foyer l’homme veut être ‘’le’’ gouverneur. On n’aime pas obligatoirement que notre vie soit guidée par ‘’quelqu’un’’ d’autre, mais qu’on le veuille ou non c’est une réalité il y a ‘’quelque chose’’ qui gouverne ma vie…
La bonne année, nul besoin d’expliquer cet élément…
Le bon rêve, à prendre au premier degré, bien dormir et ne pas se lever en sueur à cause d’un cauchemar. La réussite de la journée dépend de la nuit passée. Mais on peut le lire également au deuxième degré, faire de beaux rêves, avoir de bonnes perspectives, des bons projets.
Gouverner, rêver c’est passer une bonne année ; et, même si les choses sont fixées favorablement à roch achana il faut prier pour ne pas les perdre au courant de l’année.
C’est un peu cela l’enjeu de la miséricorde, prendre conscience qu’il y a des choses qui nous échappent et qu’on ne possède pas les moyens de ne pas tout gouverner. On peut avoir des grands projets mais si on ne gouverne pas on ne peut rien faire. D’autres gouvernent mais n’ont aucun rêve. Conjuguer gouvernance et rêve pour qu’elles se maintiennent toute l’année c’est l’exercice de la miséricorde, appelée bien souvent par ‘’une petite voix qui s’efforce de nous guider vers la bonne voie’’.