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La confusion des espèces

Rav Imanouel Mergui

Dans les bénédictions du matin les hommes récitent « chélo âssani icha – qu’IL ne m’a pas fait femme ! », et les femmes récitent « chéâssani kirtsono – qu’IL m’a créé selon Sa volonté ! ». Les femmes ne disent pas « qu’IL ne m’a pas fait ’’homme’’’ ». Sans rentrer ici dans la raison de ce changement de formule il est important de constater d’emblée que la Tora marque une différence entre l’homme et la femme. A croire qu’il n’est pas évident pour l’être humain de saisir cette différence. Et pourtant la Tora s’évertue de marquer une différence entre les sexes. Cette distinction a souvent était le débat des ’’différences’’ imposées par la Tora entre les hommes et les femmes. Certains l’acceptent parce que telle est la volonté de D’IEU – qu’on le comprenne ou non, tandis que d’autres voient à travers cette différence une infériorité de la femme ou encore la supériorité de l’homme. Je ne m’attarderais pas sur ce débat bien souvent inutile, j’admets que ceux qui refusent cette différence au nom d’une pseudo ouverture d’esprit ou de tolérance sont des gens malhonnêtes intellectuellement et surtout malhonnête envers la Tora. Comment peut-on croire qu’il est possible de prier lorsque les femmes et les hommes sont assis à côté à la synagogue ?! Pourquoi abîmer les textes de la Tora et de nos prières en faisant croire que la différence entre les hommes et les femmes doit être abolie ? On peut combattre l’infériorité de la femme mais on ne peut pas faire croire qu’il n’y a pas de différence entre les uns et les autres. C’est en tout cas ce que cette bénédiction récitée tous les matins nous livre : Marquer des différences ! Mélanger les genres est une des erreurs fondamentales et existentielles que les hommes commettent. La Tora en son début emploie un terme important « lémino – de son espèce ». La création même est le respect de l’espèce. De nombreuses lois dans la Tora ont pour but de nous rappeler ce concept du respect des espèces ; par exemple : l’interdiction de mélanger le lait et la viande, ou encore l’interdiction de porter des vêtements composés à la fois de laine et de lin. Le respect des espèces existe bel et bien chez l’humain (l’homme et la femme), chez l’animal (le lait et la viande), et pour le végétal (le lin et la laine). Aujourd’hui la confusion des espèces est largement répandue, même si elle est un problème qui a marqué l’histoire de l’homme depuis toujours. En vérité si on ne respecte pas les espèces en plus du fait qu’on s’oppose manifestement à la Tora qui est la volonté divine, on bafoue et on ment à l’espèce elle-même. Faire croire aux hommes et aux femmes qui sont égaux est un mensonge manifeste, intellectuel, physique et mental envers les uns et les autres. C’est de l’irrespect pour l’espèce elle-même. Par conséquent vouloir ’’tolérer’’ la confusion des espèces c’est tout simplement une méconnaissance du sens de l’espèce. On pourrait simplement se poser la question pourquoi il existe des hommes et des femmes ? Ou plus simplement encore : qu’est-ce qu’un homme, qu’est-ce qu’une femme ?! Comment se définit le masculin et le féminin ? Il est intéressant de noter qu’au départ de la création D’IEU avait créé un être appelé ’’adam’’ qui comprenait en lui-même le masculin et le féminin – créature différente de nous dont les textes talmudiques et midrachiques, ainsi que leurs exégètes, se disputent le sens. S’il est intéressant de rappeler que nous sommes tous issus d’un être composé, la Tora nous raconte dans la paracha de Béréchit que cet humain va être divisé et donnera naissance à l’homme et la femme, deux êtres différents et distincts. Ils se retrouveront lors de l’union conjugale, voire même ils s’y confondront, mais en même temps nous connaissons tous bien la question du ’’chalom baït’’ – quelle est la place de chacun au sein du couple ? Pour ma part la réponse se trouve dans ce débat qui veut marquer une différence authentique entre ces deux êtres. Chacun des deux conjoints se doit de respecter non pas seulement ’’son mari’’/’’sa femme’’, chacun doit avoir en mémoire qu’en face de lui il a un être diamétralement différent et opposé. En somme chacun doit respecter ’’l’espèce’’ qu’il n’est pas… Les problèmes commencent lorsqu’on se positionne en ’’égalité’’ à l’autre. En tout cas l’égalité c’est respecter la différence de l’autre, en somme on est égaux dans nos différences !
Un des passages de la Tora qui traite de ce sujet se trouve dans Dévarim 22- 5. Le verset dit « La femme ne portera pas l’outil de l’homme, et l’homme ne se vêtira pas de vêtement féminin. Tous ces agissements sont une abomination devant D’IEU ».
Even Ezra écrit : D’IEU a en aversion ceux qui changent l’œuvre divine. Rachi explique : les hommes ne doivent pas se comporter comme des femmes et vice versa, parce que tout ceci conduit à la débauche. Ceci inclut également l’interdiction pour l’homme de s’épiler !
Selon Onkelos et le Sifri la femme n’a pas le droit de porter des armes comme l’homme (c’est la raison pour laquelle Yaël n’a pas usé d’une épée pour tuer Sisra – explique le H’izkouni), et l’homme ne doit pas avoir à faire avec les soins féminins (soins esthétiques explique le Gaon de Vilna, voir également Sifri et Rabénou Béh’ayé). Baal Hatourim voit dans ce verset la restriction qu’a la femme d’étudier la Tora. Selon Rachbam la femme n’a pas le droit d’aller parmi les hommes, ceci conduit à la débauche (voyons là une source à la mixité et les mélanges hommes/femmes). Yonathan Ben Ouziel rajoute que la femme n’a pas le droit de porter le Talit et les Téfiline.
On peut retrouver la totalité de ces lois dans le Rambam Avoda Zara chapitre 12 ainsi que dans le Choulh’an Arouh’ Y’’D chapitre 182.

Nous voyons désormais que ce commandement de la Tora va bien au-delà de la débauche que ce type de comportement peut entraîner, s’il est vrai que la façon de s’habiller ou de se maquiller peut déboucher sur la débauche il n’en n’est pas ainsi pour l’interdit de porter des armes ou les objets de culte tel le Talit et les Téfiline. La Tora veut davantage marquer la différence des genres. Certes tout comportement soit-il pouvant conduire à la débauche est grave mais l’idée de ce commandement va bien au-delà de l’accès facile au sexe opposé. La Tora interdit aussi bien à l’homme qu’à la femme de changer sa nature et son comportement de vie, note le Netsiv de Volosyn.
Le Sefer Hah’inouh’ comptabilise deux commandements le 542 et 543 dans la liste des 613 commandements de la Tora : un interdit pour la femme et un interdit pour l’homme.
De nombreuses questions de hala’ha sont liés à cette loi de la Tora qu’on peut trouver dans la littérature de halah’a en voici quelques exemples :
– un homme a-t-il le droit de faire une chirurgie esthétique pour des raisons purement esthétiques, ou pour des raisons médicales ?
– a-t-on le droit de se déguiser en homme pour une femme ou en femme pour un homme pour la fête de Pourim ou pour d’autres occasions de fête ?
Le Gaon Rav Ovadya Yossef chalita dans son Yabiâ Omer (6 Y’’D 14) soulève une question géniale : si les femmes et les jeunes filles ne respectent pas, malheureusement, les lois fondamentales de la pudeur vestimentaire par exemple elles portent des jupes courtes (qui arrivent au-dessus du genou…) qu’en est-il de leur conseiller de porter plutôt des pantalons ; soit elles portent des vêtements proprement féminins néanmoins sans pudeur, ce qui constitue un grave interdit de la Tora, soit elles portent un pantalon qui n’enfreint pas les règles de la pudeur mais qui passe outre l’interdit de ne point porter des vêtements de type masculin ?…
Et si on s’interroge de savoir à partir de quel âge faut-il éduquer les enfants à cette mitsva de marquer une différence entre les hommes et les femmes ? C’est dans les Iguérot Moché de Rav Moché Feinstein zal qu’on peut trouver une réponse (E’’A 4-62). Il est tout d’abord important de rappeler que cette mitsva, comme toutes les lois de la Tora, doit être enseignée aux enfants. Effectivement l’éducation des enfants – comme on l’appelle dans la Tora ’’le h’inou’h’’ est une notion vitale et fondamentale dans la vie en général et dans la Tora en particulier ! Pour ce qui est du discours que j’ai développé jusqu’ici cela veut dire que le respect des espèces doit être appris aux enfants, et par conséquent si nous allons un peu plus loin cela veut dire que la confusion des espèces découle de la non éducation dans ce domaine si sensible et si fragile. Parce qu’en vérité si Rav Moché Feinstein s’interroge de savoir à partir de quel âge il faut habiller les filles comme des filles et les garçons comme des garçons la question halah’ique va bien au-delà de cela elle s’exprime ainsi : à partir de quel âge il faut apprendre au petit garçon qu’est-ce que le masculin et à la fille qu’est-ce que le féminin ? Ainsi la question de la mixité touche ici son apogée aussi bien à la synagogue qu’à l’école où dans quelque domaine soit-il : danse mixte, plage, piscine etc.
Selon Rav Hirch zal dans H’orèv la Tora veut que l’homme et la femme respectent leur aspect extérieur au même titre qu’ils doivent respecter l’éthique du féminin et du masculin ! Le respect du corps, comme il dit, c’est ce qui témoignera du respect des espèces tout autant que leur être et leur âme. Toutes les différences qui distinguent l’homme de la femme doivent être tenues, sans exception aucune et dans tous les domaines.
La dérive de cette problématique à son extrême est le douloureux phénomène de l’homosexualité. Effectivement si on ne reconnaît pas la différence des genres on finit par les confondre et de prendre pour cible un autre homme et de le considérer comme une femme, et vice versa on risque de prendre pour cible une femme et d’en faire un homme…